Cette citation de V pour Vendetta fait écho à un conflit que j’ai eu avec une amie d’enfance. Il y a eu de nombreux moments dans ma vie où je me suis sentie en décalage par rapport aux autres. L’année de mes vingt-ans, je faisais des études à Mulhouse, ville que je trouve assez déprimante, et mon moral s’en ressentait. D’autres facteurs généraient mon mal-être et j’en ai parlé à une amie qui avait décidé de venir me voir. Elle m’a dit ” Maria, tu sais très bien que tu n’es pas comme tout le monde”. En soi, ce n’est pas obligatoirement péjoratif, mais le ton employé était très blessant. On s’est disputées, puis rabibochées longtemps après. Elle m’a présenté ses excuses.
Je pense que nous sommes tous différents. Cloisonner les gens en deux catégories, les gens spéciaux d’un côté et les gens normaux de l’autre, c’est absurde. Dans chaque situation, je pense que c’est plus enrichissant de chercher à comprendre la personne et d’aller au delà des apparences que de porter un jugement basé sur les normes sociales.
En effet, à l’époque, j’allais mal parce que j’avais fait un stage chez un libraire qui me hurlait dessus parce que je n’étais pas parfaite dès le départ. Cette problématique s’est souvent rejouée, dans ma vie professionnelle. Une libraire m’a virée au bout d’une journée parce que j’étais trop lente selon elle et que je ne “savais rien faire”. Elle a aussi dit ” Je suis de gauche, mais là…”
J’ai également postulé chez un libraire en préférant lui parler de mon handicap invisible. Il m’a dit ” ça explique votre comportement”, ce qui m’a blessée. Il a accepté de me prendre à l’essai, mais quand je me suis présentée, le jour où j’étais censée commencer, il m’a dit ” j’ai trouvé quelqu’un d’autre, je n’ai pas eu le temps de vous prévenir”. J’ai postulé comme pigiste chez un journal régional, je correspondais au profil, du fait de ma carrière d’écrivain et de mes diplômes. On m’a refusé le poste sans prendre le temps de me proposer un entretien.
Non, je ne veux pas être prof de français. Je n’ai pas envie de retourner au collège après avoir subi le harcèlement scolaire. Après toutes ces mauvaises expériences quand j’ai tenté de m’insérer dans un cadre, j’ai décidé que je les emmerdais, ces employeurs, et que j’allais faire mon truc.
Je vais mettre les choses au clair, pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi je ne me suis pas consacrée à mes livres. Je touchais environ un euro par livre vendu, et si je touchais cinq cent euros par an, j’avais de la chance.
Donc, oui, je touche des aides liées à mon handicap invisible, dont on m’a beaucoup fait culpabiliser de toutes parts. Parce que je ne suis pas handicapée, parce que si, je le suis, mais je dois arrêter d’être dans le déni, ou parce qu’il faut “forcer le trait pour que ça passe”, ou parce que je suis ” une assistée”. Les assistés sont des profiteurs, c’est bien connu. Ma dernière psy en date, ça ne lui plaît pas que j’aie une pratique ésotérique, et elle aimerait me remettre dans ce qu’elle perçoit comme le droit chemin. Qu’elle aille se faire cuire un oeuf.
Dans les faits, je n’ai jamais réussi à trouver de travail, et j’en ai eu ras le bol que ma famille me fasse culpabiliser d’être toujours dans les études et de ne pas travailler. Donc j’ai arrêté ma thèse face à des encadrantes peu engageantes et je me suis mise à mon compte… quelques mois avant le covid. Le covid a été porteur pour de nombreux créateurs de contenus, mais je n’en fais pas partie. J’étais mal accompagnée, et pendant le confinement, j’ai préféré faire passer ma santé mentale avant les performances de mon entreprise.
Pour autant, je ne lâche pas mon projet, car mon but est d’être indépendante financièrement à tous les niveaux. Il me reste un an pour y arriver, et j’ai trop investi pour baisser les bras maintenant.
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